Je continue dans ma lecture du livre « libérer l’entreprise, ça marche ? » de Laurent Karsenty.
Le chapitre que je viens de lire révèle mes contradictions. D’une part j’accompagne en coaching un directeur talentueux qui se heurte à un plafond de verre relationnel. L’accompagnement l’aide à repérer que le fonctionnement des hauts dirigeants entre eux n’est pas celui mis en œuvre sur le terrain, en particulier vis-à-vis des résultats. Dans le même temps, avec l’équipe gouvernance cellulaire, nous affinons un référentiel où les règles mettent tout le monde à parité, quelque soient leurs responsabilités.
Cette recherche d’un idéal d’entreprise pourrait-elle créer une utopie naïve ?

Le chapitre sur le groupe Hervé pose question. Il présente un groupe construit dans l’intention de son leader Michel Hervé de bâtir une entreprise sans mentalité hiérarchique. L’homme veut démontrer la viabilité sociale, économique et politique d’une société « sans centre ». Le résultat semble être un art de manager par la construction du consentement orienté.

Des principes attrayants semblent inspirer le leader : la liberté d’entreprendre en interne, la mise à égalité des membres, la fraternité et, mon préféré, une responsabilité inspirée du travail de Hannah Arendt : les membres ne pourront pas se raconter qu’ils doivent obéir à des consignes hiérarchiques alors qu’ils sont en désaccord.

 

Pourtant l’article montre qu’une réalité pratique très différente a cohabité avec les déclarations officielles.
On peut se demander dans quelle mesure le système qui s’est mis à vivre n’a pas abouti à un art de la manipulation visant à faire adhérer spontanément les employés au attentes managériales. Nous découvrons une fabrique du consentement qui n’est pas sans rappeler celle que Edward Bernays a nommée « relations publiques » pour remplacer le terme de « propagande ». Des informateurs ont été mis en place pour donner des appréciations personnelles sur leurs collègues et pour favoriser une adhésion aux besoins managériaux (les rôles journalistiques). Un système ingénieux de prise de décisions « libres » est pourtant en place. Tous semblent en pratique « libres » d’adhérer pleinement à des idées suggérées par des collègues proches du management. Les managers de proximité assurent même une fonction de représentants du personnel dont le rôle serait de « veiller à la bonne application de la philosophie et de l’organisation de l’entreprise ». (extrait de CCE)

 

Les écarts de règles sont assumées et expliqués avec un certain panache qui n’est pas sans rappeler Belmondo : Einstein ayant démontré que les règles valant pour l’infiniment grand ne sont pas les mêmes que celles de l’infiniment petit, les patrons du groupe Hervé estiment que le contexte très différent des grands dirigeants entraine des règles différentes. 

J’étais perplexe à la fin de ce chapitre. Si je reprends les trois domaines que monsieur Hervé souhaite impacter, je peux estimer que le système de fabrique du consentement influencé fonctionne du point de vue performance économique (l’auteur fait le lien avec le patrimoine de 140 millions d’euros que la famille Hervé a constitué), du point de vue gouvernement politique et managérial (les gens adhèrent en douceur à la stratégie des leaders), pas du point de vue philosophique et social (les personnes ne choisissent pas réellement et ne développent pas leur auto-gouvernance).

Le rapport de puissance entre un employé et un leader qui concentre tant de pouvoir sans s’appliquer les règles ne permet pas manifestement pas « la mise à égalité des membres » recherchée.

L’auteur est à la fois juge et partie vu qu’il a passé 6 ans dans l’entreprise dans un poste de philosophe interne en charge d’apprendre au fils repreneur la philosophie de l’entreprise. Par conséquent, si le groupe Hervé souhaite répondre, nous serons intéressés de lire leur point de vue ici.

La question avec laquelle je reste est : si le patron s’appliquait les règles qu’il impose aux autres, la coopération à parité serait-elle envisageable ?

Et vous ? Observez vous une application uniforme des règles ? Ce que vous observez vous parait il bénéfique ?
Nous vous souhaitons de bonnes réflexions dans vos équipes.  

Jeanluc Christin

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